Le bouilleur de cru

Fév 14, 2022Les métiers0 commentaires

Nous sommes au milieu du XIXe siècle, les familles du village vivent pour la plupart sur de modestes propriétés agricoles.

À la suite des méventes de la soie et de la garance, de nombreux agriculteurs se tournent vers la vigne. Vers 1870, tout le vignoble du département de Vaucluse est touché par la maladie du phylloxéra. Une lutte de 20 ans sera nécessaire pour reconstituer le vignoble avec des plants américains que l’on traite à la bouillie bordelaise. En fonction du terroir, des variétés seront plantées « pour la cuve » ou « pour la table ».

Dans ce contexte, les familles faisaient leur vin, parfois de la piquette. Dans les maisons malemortaises nous pouvons trouver dans les caves ou remises les vestiges de cuves en pierre ou bétonnées. En effet, dans ces cuves, fermentait le jus extrait des grappes de raisins écrasées par le pressoir à bras. Le marc, appelé « la raco », résidu des rafles et des grains de raisins était alors porté au bouilleur local qui le distillait pour obtenir de l’eau de vie que l’on appelait « aïgo-ardent ». À cette époque, l’eau de vie était un produit très utilisé dans nos familles. On s’en servait en cuisine pour la conservation des fruits, la préparation de certains plats, comme désinfectant pour les plaies ou infections diverses, sans oublier la fabrication du pastis maison.

Il faut remonter au temps de Napoléon, qui accorde en 1806 aux descendants de ses soldats (les grognards), le privilège de bouilleur de cru avec exonération de taxes pour la distillation de 10 litres d’alcool pur (100°) ou 20 litres à 50°, les degrés supplémentaires faisaient l’objet d’une taxe auprès des services des douanes et des droits indirects. Ce privilège fut héréditaire jusqu’en 1960 où seul le conjoint survivant pouvait user de ce droit jusqu’à sa propre mort, mais plus aucun descendant.

À présent, ce privilège est en voie d’extinction, et les bouilleurs de cru payent une taxe douanière pour faire leur eau de vie.

 Le bouilleur distillait le marc dans un alambic composé d’un corps de chauffe à feu nu ou à vapeur et d’une chambre de refroidissement pour le serpentin terminé par un robinet d’où s’écoulait l’alcool.

L’alambic, abrité des intempéries par un appentis fabriqué en tôle ou logé dans un local devait être placé près d’un lieu où on pouvait disposer d’eau à volonté pour la chambre de refroidissement et le nettoyage de la cuve et des outils après chaque passe. Il fallait également un espace suffisant pour entreposer le bois nécessaire au foyer de l’alambic. En principe l’agriculteur bouilleur de cru devait fournir le bois nécessaire aux passes. La réglementation obligeait le bouilleur à distiller de 6h du matin à 18h, heures d’ouverture de la régie qui délivrait l’acquit de transport du marc au bouilleur de cru et l’acquit de transport de l’alcool chez soi.

Si le principe de la distillation est simple, sa mise en œuvre nécessite un vrai savoir-faire. De nombreux alambics ont fonctionné à Malemort, le dernier a cessé son activité en 1980.

 

Dans nos recherches nous apprendrons que :

Pierre BENOIT né en 1870 tenait en 1918 un alambic à l’intersection du Cours et de l’avenue Jean Pierre GRAS qui menait au stade. L’eau nécessaire au refroidissement du circuit était puisée dans le bassin du jardin Conil, à présent parking. La circulation des charrettes devait alors se faire par le quartier des Ferrailles.

 L’alambic sera par la suite tenu par Virginie BREMOND née en 1880, sous le platane de la place du Marché (devenue parking) et prenait l’eau à la fontaine de la Croix (appelée encore fontaine du 14 juillet). Elle était propriétaire de son alambic et distillait elle-même.

 Puis Marcel DUCLAUX né en 1888 lui prêta main forte et finit par la remplacer. L’alambic était dressé, le temps de la campagne de distillation au même endroit.

Irmande MARTIN née DUCLAUX, sœur de Marcel, née en 1921 devint bouilleuse en succédant à son père. Elle distillait avec son autre frère Lorrain, à proximité du stade où était installée une borne de sulfatage (point d’eau pour l’alimentation des sulfateuses des agriculteurs).

 Louis PELET né en 1906, forain une partie de l’année, s’installait pendant la période hivernale dans la remise de « Pié-pié » ou « Paù – paù » (peut être un ancien entrepôt de chiffonnier et de peaux car il existait bien un commerce de peaux de lapins …), derrière le grand portail en montant à l’église. L’eau était puisée au lavoir de la République.

 Gabriel FLANDRIN s’associera avec Louis PELET. Ils distilleront ensemble de 1947 à 1953 quand l’alambic était derrière la porte de la République. Puis il leur sera demandé de trouver un autre lieu et Louis PELET ira s’installer au lavoir de la Bonne Fontaine. Il distillera aussi à Saint Didier, à Mazan, à Villes-sur-Auzon, à Monteux.

 Joseph SORDO né en 1894 aidé d’Ernest PAYAN distillera lui aussi pendant un certain temps au stade. Lorsque Joseph SORDO arrêtera de distiller, Ernest PAYAN ira au Teil acheter son propre alambic. Puis Ernest PAYAN s’associera avec Marceau MARTIN né en 1913 et mari d’Irmande DUCLAUX. Ils distilleront pendant de longues années ensemble, dans la remise derrière la porte de la République.

Puis Marceau ira gérer l’alambic du Syndicat Agricole des laboureurs de Malemort. L’alambic sera installé dans l’impasse de la mairie (entre le parking de la mairie et la maison VEVE). Vers la fin des années 1960 l’alambic est transféré au parking de la salle des fêtes, devant le local technique, à la borne de sulfatage qui y était installée. Le gendre de Marceau MARTIN, Robert ESTOURNET l’aidera de 1973 à 1980, année où cessera l’activité des bouilleurs du lieu de Malemort.

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